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CONFERENCE AVEC SHIRIN TINNESAND
"Adressing flaws in european immigration regulations"

Le 08/10/2024

CONFERENCE AVEC MARIE TOUSSAINT
"Urgence climatique : que fait l'Union Européenne"

Dans le cadre de la Semaine de l'Environnement et de la Solidarité organisée par Alter Bureau

Le 07/10/2024

CONFERENCE AVEC JEAN-MICHEL BLANQUER
"L'école de demain : émancipation ou reproduction ?

Le 03/10/2024

CONFÉRENCE INAUGURALE ET DEDICACES
Jérôme Fourquet

le  11 Septembre 2024

Notre nouveau format : le compte-rendu de conférence

La société française se droitise ? Sommes-nous au coeur d'une crise politique ? Comment analyser les dernières élections ? Qu'en disent les statistiques ?
Le détail des réponses de Monsieur Fourquet vous permettra de vous replonger dans cette conférence passionnante, ou de la découvrir si vous n'avez pas pu venir !

Compte-rendu de la conférence inaugurale de Sciences Po Forum Mercredi 11 Septembre 2024, Sciences Po Forum a eu l’honneur de recevoir M. Jérôme Fourquet lors de sa conférence inaugurale, Nous vous proposons aujourd’hui un retour écrit de cet échange. Nous reviendrons sur le portrait de notre invité et sur les réponses qu’il a pu apporter à nos médiatrices et au public, présent en nombre. Vous êtes connu du grand public notamment pour votre conception de la société française comme archipel. Pouvez-vous revenir sur cette théorie ? Mon métier est d’analyser la société et de faire des enquêtes. Lors de mes études, j’ai remarqué que les grands collectifs se sont fortement délités. Cette fragmentation peut être comparée à un archipel : on commerce, on fait des ponts, on se fait aussi la guerre, mais malgré tout on vit chacun dans son île. Aujourd’hui on observe une France divisée en deux parties. Pour faire court, on peut décrire ces deux France comme d’un côté une France catholique de droite et de l’autre une France laïque votant à gauche, apparue dès les années 1790. La révolution a consacré deux catégories de prêtres, les réfractaires et les jureurs. Timothy Tackett a publié une carte représentant géographiquement ces deux catégories de curés (qui ont pris position selon le vent en poupe dans leurs communes). Si on compare cette carte datant du XVIIIe siècle avec le clivage gauche-droite géographique du pays lors de l’affrontement Chirac-Mitterrand, on constate que les frontières n’ont pratiquement pas bougé. Néanmoins, la division entre les catholiques et les laïcs s’est aujourd’hui délitée. La déchristianisation rapide de la France sur ces 50 dernières années a boulversé les anciens piliers d’analyse. Les catholiques ne représentent plus la moitié de la société mais simplement une île parmi d’autres. Les laïcs (souvent communistes), auparavant minoritaires du point de vue électoral, ne sont pas devenus aujourd’hui le groupe majoritaire. Enfin, les médias de masse ont aujourd’hui perdu un certain nombre de leur audience. En effet, si dans les années 1970, 45% des gens regardaient TF1, leur audience a aujourd’hui diminué. Tous les grands acteurs qui contribuaient à diffuser des valeurs communes se sont aujourd’hui effondrés, au profit de la construction de petits groupes plus restreints avec des intérêts communs plus difficiles à délimiter. Cette archipélisation est-elle similaire partout ? La France se distingue de ses voisins européens, qui sont tous des Etats plus fédérés. Dans ces pays, le logiciel est construit sur la diversité et la pluralité. Si la France est factuellement cosmopolite et hétérogène, on nous a toujours répété que la République est une et indivisible, ce qui déstabilise notre perception du pays. Face à l’archipélisation, on est davantage déboussolé puisque moins accommodé que d’autres pays à ces essences pluriels. Comment expliquer la disparition de la matrice gauche-droite? Historiquement, la partition de la société selon son appartenance politique est parallèle à la division entre catholiques et laïcs ; le conflit de classe s’est ensuite imposé dans le même dualisme. Aujourd'hui, nous observons deux nouvelles lignes de failles : la diversité et l’acceptation. A chaque faille, se réfère un côté politique. Les partis ne sont plus capables de produire des discours englobant la totalité de ses lignes et donc de faire consensus. Emmanuel Macron a fait ce constat, et a contribué au rassemblement de plus en plus de protagonistes politiques vers le centre, plutôt que vers la gauche ou la droite. Avec Macron, le château de cartes s’écroule. Les représentantes des partis traditionnels (LR et PS), ensemble, font 6,4% des voix. Le vieux cadastre électoral a disparu. E.Macron a participé à le faire disparaître? Il ne l’a pas fait disparaître, la tendance était déjà effective, il en a pris conscience et à misé sa ligne politique sur ce dépassement des partis traditionnels, on peut dire qu’il l’a accéléré mais il n’en est pas à l’origine. Le RN n’a jamais fait un score aussi important qu’aux dernières élections européennes et législatives de 2024, alors qu’il était depuis ses débuts marginalisé. Comment expliquer sa dédiabolisation? En termes marketing, on observe l’offre et la demande. L’offre c'est le positionnement du parti et de son programme : le programme du RN d’aujourd’hui a un fond similaire à celui des années 80, mais on ne peut pas comparer les 30% de Marine Le Pen aux 15% de Jean-Marie Le Pen. On peut prendre l’exemple de la peine de mort, pronée par son père, qu’elle a abandonné. Le RN d’aujourd’hui aussi radical que le FN, ce qui explique le ralliement d’une partie de la population qui jusqu’ici ne se retrouvait pas dans les combats du FN à ses débuts. Ce renouvellement du programme du RN est-il une stratégie électorale ou le fruit d’une réelle conviction? Il y a une part d'opportunisme avéré, comme pour la peine de mort, pour être en phase avec son temps et chercher à moins cliver. On peut aussi se dire que c'est une autre génération, plus moderne, avec des valeurs et des combats un peu différents. Du côté de la demande, quand on écoute les électeurs du RN, les préoccupations premières sont “l'insécurité et l’immigration”. Le pouvoir d’achat complète aujourd’hui les thèmes que met en avant le RN. Le contexte et le produit ont donc évolué. On peut voir la montée des eaux bleues marines donc s’en inquiéter et se demander comment leur électorat a doublé, mais d’un autre côté on peut aussi observer beaucoup de partisans et partis politiques refuser catégoriquement l’accès du RN au pouvoir. Il y a un entrechoquement de deux plaques tectoniques irréconciliables, qui ont contribué à l’instabilité politique que nous observons actuellement dans notre pays. La France s’est-elle vraiment droisée comme on peut l’entendre et l’observer ces dernières années ? Avec le score de LR, on ne peut pas dire cela. Mais il faut se mettre d'accord sur une définition. Concernant les questions sociétales et les moeurs (à l’instar de la question de l’homosexualité), on ne peut pas décemment affirmer un élan conservateur ces dernières années. En effet, un sondage de l’IFOP de 1980 demandait à des échantillons de population comment ils caractérisaient l’homosexualité : comme une façon de vivre sa sexualité, comme une maladie ou comme une perversion à combattre. Plus de 40% des gens optaient pour l’une des deux dernières options. En 2013, on a posé la même question en ligne et les résultats des deux dernières questions cumulés ne représentaient que 13% des voies. On a ensuite les questions économiques et sociales. Pour analyser les évolutions de ces domaines, nous pouvons regarder les mouvements sociaux principaux des différentes périodes. A propos du recul de l’âge de départ à la retraite par exemple, beaucoup de citoyens se sont exprimés contre la réforme du gouvernement Macron, qui représente le camp libéral. Néanmoins, concernant les questions de sécurité ou les positions concernant la peine de mort, on peut observer une certaine droitisation. En effet, la moitié de la population est aujourd’hui favorable au rétablissement de la peine de mort, témoignant d’une stagnation depuis 50 ans concernant cette question. La nomination tardive de Michel Barnier comme Premier ministre est-elle un échappatoire à la crise ou nous y enfonce t-elle encore davantage ? Selon moi, ce choix est fait sous contrainte. Cette crise politique ne date pas de 2024, elle a commencé en mai 2022, lorsqu' aux législatives le camp présidentiel n’a pas eu la majorité absolue. Depuis, tout dysfonctionne. On ne peut pas parler aujourd’hui de cohabitation, mais plutôt d’une coalition minoritaire qui va diriger. Le plus dur n’est pas d‘avoir un gouvernement mais de le tenir. Emmanuel Macron nous a fait entrer dans une crise politique et institutionnelle durable, l’accalmie provoquée par l’arrivée tardive et tant attendue d’un nom pour Matignon est de courte durée. Aujourd’hui nous faisons face à une crise de la représentativité énorme : quelles solutions envisagez-vous ? Quand on observe le niveau de défiance tel que celui visible aujourd’hui envers la politique, il n’existe pas de baguette magique. Néanmoins, certains modes de scrutin peuvent contribuer à se rapprocher des hommes politiques qui nous dirigent. Le scrutin uninominal à deux tours n’est peut être pas le plus représentatif et cette crise est peut-être le signe ultime du besoin de renouveau. Le référendum reste sujet de méfiance qui ne semble pas être encore la bonne alternative, puisque celui de 2005 a donné lieu à un résultat net de refus, mais les décideurs politiques ont décidé de passer outre cette réponse négative en optant pour un vote parlementaire. Cette pratique a laissé des marques dans les esprits des électeurs, qui ne sont aujourd’hui pas prêts à avoir confiance en ce mode de scrutin. La situation actuelle complexe suite aux élections législatives et à la nomination de M. Barnier est similaire. On a la sensation de ne pas être représenté malgré le résultat des urnes. La logique politique est complètement bafouée, et cela alimente la crise. Quel visage pour la France d’après ? C’est un grand sujet... On voit ce qu’on a perdu mais on a du mal à distinguer des grands récits agrégateurs se mettre en place. On est dans une phase de transition, avec une archipélisation qui pourra durer 10 à 20 ans avant de peut-être disparaître au profit de nouveaux grands fronts unis. De grands blocs émergeront peut-être concernant l’écologie, mais aura-t-on une grande matrice capable de structurer 25 à 30% de la population en faveur de cette cause ? Que pensez-vous du mode de désignation des élus par le hasard ? De mon côté je n’ai pas d’avis tranché, je serais plutôt partisan du maintien du schéma actuel puisqu’avec un enjeu, on se mobilise toujours davantage que quand nous n’en possédons pas les clés. Je serais plutôt pour rendre meilleur le modèle actuel que le détruire en passant au jeu du hasard. Que pensez-vous de la théorie de Tilly sur la France périphérique opposée à la France urbaine et moderne ? Je partage sa vision, salutaire pour le débat public. Néanmoins, nuancer ce constat binaire me paraît nécessaire. On peut voir par exemple que la côte Atlantique s’enrichit. Il n'y a pas que la métropole, il y a aussi l’impact de l’économie récréative et touristique, qui alterne un peu cette analyse. “Les français pensent à gauche mais votent à droite” qu’en pensez vous ? Au sein même des partis, on observe de grandes différences de valeurs et d’affinités, y compris géographiquement. Il existe un “RN du nord” et un “RN du sud” par exemple. Si les électeurs s’entendent en effet concernant les questions de sécurité et d’immigration, leurs profils et leurs valeurs divergent. Dans le bassin minier du Nord, le RN est considéré par ses électeurs comme un parti de gauche protégeant les Petits. Dans le sud, le RN est incontestablement de droite. Selon les contextes, tout est très relatif, les conceptions droite - gauche sont plus floues que jamais, y compris dans les groupes d’électeurs des mêmes partis. À quel point les sondages peuvent influencer et créer l’opinion? Il a déjà été demandé à des sondés s’ils pensent que les sondages influencent les opinions et les votes. Ils répondent que oui pour les autres, mais non pour eux. Ils s’estiment immunisés à la manipulation des sondages mais s’accordent à dire que ces derniers ont un effet sur une grande partie des votants. Concernant le vote utile, le sondage amplifie parfois les dynamiques à l'œuvre mais n’est jamais à l’initiative de variation des comportements. Le cas des élections présidentielles de 2022 par exemple met en exergue les variations des comportements des voteurs stratèges suite à la publication d’un sondage. En effet, les partisans d’Eric Zemmour ont en partie reporté leur vote sur Marine Le Pen à mesure que ce dernier perdait du terrain, de manière à espérer amener un parti proche du leur au pouvoir. Ainsi, on peut dire que les sondages amplifient les dynamiques déjà à l’oeuvre dans les sphères publiques mais n’en sont pas les initiateurs.

CONFÉRENCE-DÉDICACES FRANÇOIS HOLLANDE
le  18 mai 2024

co-organisée avec les Librairies Kléber